Pour s'en convaincre, il suffit d'observer les millions de messages échangés sur les réseaux sociaux depuis le début de l'opération israélienne sur Gaza, appelée Bordure protectrice, huit jours plus tôt. Entre communication agressive et appels à la haine, chaque camp exacerbe les tensions derrière son clavier. Francetv info s'est penché sur les étapes de cette transposition numérique du conflit en France.

Un relais pour la communication des organisations

De nombreuses associations engagées sur la question israélo-palestinienne participent à l'émulation sur les réseaux sociaux français. Par exemple, l'Association France-Palestine solidarité (AFPS) communique à travers les réseaux sociaux "avec une utilisation modérée", assure son président, Taoufiq Tahani, joint par francetv info. Il reconnaît une stratégie de communication pour rendre son message politique plus percutant, mais assure que l'association reste prudente dans le choix de ses mots, et que toutes les informations diffusées sur les réseaux sociaux sont vérifiées : "Nous veillons à ne pas tomber dans l'exagération en restant prudent sur l'utilisation des images et des chiffres."

D'autres associations ont mis en place une communication plus agressive. Baraka City, une organisation humanitaire "basée sur les valeurs islamiques", propose sur son site d'interpeller les médias sur Twitter au sujet d'informations concernant Gaza. Les messages postés sur les réseaux sociaux utilisent régulièrement des chiffres forts et des images dans le registre de l'émotion. Des images à considérer avec prudence, puisque certaines photos qui circulent sont issues des conflits en Syrie, en Irak ou à Gaza, lors d'un précédent embrasement, comme le rappelle Libération.

Les pro-Israéliens ne sont pas en reste, à commencer par le compte Twitter français de Tsahal. "Ils ont recyclé la communication de 2012" utilisée lors de la précédente offensive israélienne en réaction à des tirs de roquettes palestiniens, analyse un ancien soldat de réserve israélien, engagé au service de la communication française de Tsahal, contacté par francetv info. Il ajoute : "Il y a la volonté de mettre en perspective la situation des Israéliens avec les populations occidentales".

Des mouvements extrémistes comme le Betar ou la Ligue de défense juive (LDJ) usent des mêmes méthodes en ajoutant une couche d'exagération et sans craindre d'exacerber les tensions.

Les associations juives françaises comme le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) ou l'UEJF (Union des étudiants juifs de France) se montrent plus modérées, se concentrant sur les messages politiques, comme l'interdiction des manifestations pro-palestiniennes réclamée par le Crif.

Un outil pour l'organisation d'événements

Les réseaux sociaux sont donc devenus le premier vecteur pour importer le conflit en France. Et les groupes s'en servent pour l'organisation d'événements. Ainsi, des manifestations pro-palestiniennes se sont mises en place lundi à travers le relais d'une page Facebook. De même, l'AFPS communique sur son site et sur les réseaux sociaux les dates et les lieux des prochains rassemblements de soutien à la cause palestinienne.

En réaction, la communauté juive pro-israélienne se mobilise. Par exemple, lors des affrontements de dimanche autour de Bastille, à Paris, en marge d'une manifestation pro-palestinienne, les militants radicaux du Betar s'étaient donné rendez-vous à proximité pour un rassemblement en faveur d'Israël.

Les réseaux sociaux servent aussi de service après-vente à ces événements. Toujours au sujet des débordements de dimanche, différents points de vue s'affrontent sur l'origine des violences. Le Crif a par exemple posté une vidéo dont le montage semble montrer que des pro-Palestiniens seraient venus assiéger la synagogue de la rue de la Roquette. Des militants pro-palestiniens ont riposté avec une vidéo tournée par un amateur, qui semble montrer que les pro-Israéliens seraient aussi responsables des violences. 

Une guerre à coups de "hashtags"

Sur Twitter, les "hashtags" ou mots-dièse sont les premiers outils de la communication des pro-Palestiniens comme des pro-Israéliens. Ils permettent de fédérer derrière un slogan et de lancer une diffusion virale. Ainsi, de nombreux soutiens à la cause palestinienne s'expriment depuis plusieurs jours à partir des mots-dièse #FreePalestine#GazaUnderAttack ou encore #HelpGaza. Du côté des pro-Israéliens français, la préférence est donnée aux "hashtags" anglophones tels que  .

Derrière ces mots-clés, si certains se contentent d'exprimer un soutien à Israël ou à la Palestine, d'autres teintent leurs propos de violence et d'appels à la haine. "C'est une poubelle du débat public, on se fait des guerres de 'hashtags' et celui qui obtient le plus de retweets pense qu'il a gagné la guerre", lâche l'ancien soldat de réserve israélien. Il s'étonne d'ailleurs du nombre de messages d'insultes qu'il reçoit depuis le début de l'opération israélienne.

Pour le directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), Pascal Boniface, interrogé par le site Jolpresse, les réseaux sociaux sont à l'image de notre société : "Ils peuvent aussi bien participer à l'exacerbation de la haine qu'à l'apaisement des esprits." Pour le chercheur, ces réseaux sont un mode d'expression comme un autre, mais il note quand même une spécificité : "L’anonymat est le principal problème (....) parce qu’il permet aux plus lâches d’exprimer des sentiments de haine qu’ils n’exprimeraient peut-être pas publiquement." 

Par ailleurs, les personnalités publiques s'invitent dans le débat, comme le montre le récent "clash" sur les réseaux sociaux entre Booba et Tariq Ramadan. Le rappeur Booba a dénoncé l'hypocrisie des pro-Palestiniens. L'écrivain et islamologue lui a reproché en retour son comportement de "neutralité", qu'il qualifie d'"indécent et honteux". D'autres célébrités sont interpellées sur Twitter quand elles gardent le silence, comme le comique Jamel Debbouze, qui essuie même quelques insultes.

 

 

Voir l'image sur Twitter