jmonde

jmonde

DECES DE SHIMON PERES

Shimon Peres (1923-2016) : le dernier géant d'Israël

 

 

Mercredi 28 septembre 2016 par Frédérique Schillo

 

Il était le dernier des géants. Un dinosaure de la vie politique israélienne. L’ancien Prix Nobel de la Paix Shimon Peres, 9e président de l’Etat d’Israël, qui fut par deux fois Premier ministre, s’est éteint le 28 septembre 2016 à Tel-Aviv, où il était hospitalisé depuis deux semaines après un accident vasculaire cérébral. Il laisse un extraordinaire héritage, qui épouse l’Histoire de l’Etat d’Israël.

                       

Avec David Ben Gourion en 1962

©   GPO/Flash90

 

 

 

 

Dérouler le fil de la vie de Shimon Peres, c’est d’abord revenir aux temps d’avant la création de l’Etat d’Israël, d’avant même la Seconde Guerre mondiale et la Shoah. C’est repartir au cœur de l’Europe des shtetl, dans la petite ville de Vishneva, quand elle n’était pas encore biélorusse, mais polonaise, où Shimon Persky est né en 1923. C’est retrouver la fièvre politique et intellectuelle autour du sionisme laïque, progressiste, quasi révolutionnaire, qui enfant lui fit préférer Dostoïevski à la Torah, et convaincre son père, un commerçant aisé descendant d’une famille de religieux, de tout quitter en 1935 pour la Terre promise. C’est revivre l’idéal des pionniers, la pioche en main et des rêves plein la tête, au village agricole de Bet Shemen, qu’il intégra à l’âge de 15 ans, et plus tard au kibboutz Alumot, au sud du lac de Tibériade, dont il est l’un des fondateurs. C’est suivre enfin le premier conflit de l’armée d’Israël du temps où elle ne s’appelait pas encore Tsahal.

Figure du Monde d’hier, d’un siècle aux frontières disparues, Shimon Persky s’est réinventé pendant la guerre, hébraïsant son nom en Peres au moment où naissait l’Etat d’Israël. Et c’est par le biais de l’armée que lui, le jeune sioniste qui se rêvait travailleur de la terre, intégra l’appareil de l’Etat et devint l’un de ses plus grands bâtisseurs. A ceci près qu’il ne fut jamais officier, ce dont on ne cessera de lui faire le reproche. Nommé chef de mission à l’état-major pendant la guerre d’Indépendance, il devint à l’âge de 35 ans le plus jeune directeur du ministère de la Défense par la seule volonté de David Ben Gourion, son mentor en politique. L’étiquette de jeune loup du « Vieux » leader lui collera à la peau, comme elle collera à Moshe Dayan, qu’il avait connu au Congrès sioniste de Bâle en 1945 où ils incarnaient le renouveau du parti Mapai. La jeunesse en étendard, ces deux fidèles agaceront par leur zèle, leur ambition carriériste, mais aussi leurs insolents succès.

Icône de la paix

Pour toujours, Shimon Peres restera comme le pionnier de l’alliance militaire avec la France. Arrivé à Paris en 1953, il bouscula le protocole, jouant de son charisme pour forcer les portes closes. En coulisses, il développa la filière d’armes française qui permettra à Israël d’affronter deux guerres. Dans la cuisine d’une villa de Sèvres, sur les hauteurs de Paris, il fut l’architecte avec Ben Gourion et Dayan de l’accord secret qui allait conduire la France et la Grande-Bretagne à s’unir à Israël contre l’Egypte de Nasser en octobre 1956. « Avant la dernière signature je demandai une suspension de séance à Ben Gourion pendant laquelle je rencontrai [le Président du Conseil] Mollet et [le ministre de la Défense] Bourgès-Maunoury seuls. C’est là que j’ai mis au point avec eux un accord pour construire un réacteur nucléaire à Dimona, dans le sud d’Israël ». Ainsi publiée dans ses Mémoires en 1995, la légende de la bombe israélienne devenait réalité, pour mieux se nimber de nouveaux mystères, Peres entretenant le doute avec sa formule de « politique de l’ambiguïté », puis assurant que Dimona avait permis Oslo.

Mais avant d’être l’homme de la paix, architecte des accords de 1993, il se rangea parmi les faucons, partisans de la colonisation à Gaza et en Cisjordanie. Durant ces trente années au parti travailliste, après un court intermède dans le Rafi de Ben Gourion, Peres se tailla la réputation d’un apparatchik, prêt à tout, y compris à offrir une rotation du pouvoir à Yitzhak Shamir afin de devenir Premier ministre en 1984. Un « éternel intrigant » selon Yitzhak Rabin, son meilleur ennemi, qu’il retrouvera dans son gouvernement en 1992. Là il mènera une diplomatie du secret au service de la paix, avec la même audace qu’il avait mis plus tôt à préparer la guerre. La poignée de main avec Arafat et Rabin sur la pelouse de la Maison-Blanche, puis leur prix Nobel de la paix seront de courts triomphes, interrompus par l’intifada et l’assassinat de Rabin en 1995.

Auréolé de gloire à l’extérieur, mais toujours aussi impopulaire à l’intérieur, Peres est longtemps resté ce looser magnifique, incapable de gagner une élection, même dans son propre parti. Jusqu’à ce jour de juin 2007 où, après un énième échec, il devint à 84 ans le 9e président d’Israël. Une fonction purement honorifique, mais qui lui permit d’endosser son plus beau rôle. Icône de la paix, ce grand-père de la nation start-up n’a cessé jusqu’à son dernier souffle d’incarner Israël. Avec sa disparition, c’est une page d’Histoire qui se tourne. Israël ne sera plus jamais le même.

 

 

TWITTER@FredSchillo



28/09/2016
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 21 autres membres