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ELECTION PRESIDENTIELLE AUX ETATS-UNIS : LES JUIFS AMERICAINS SE MOQUENT DE DONALD TRUMP

André Kaspi : « Les Juifs américains sont américains d’abord et pro-israéliens ensuite »

Pour l’historien spécialiste des États-Unis et auteur, en 2008, d’un livre intitulé « Les Juifs américains » (paru aux éditions Plon) Donald Trump n’est pas parvenu à séduire cette partie de l’électorat.

Actualité Juive : Que sait-on du comportement électoral des Juifs américains à la veille de ces présidentielles ? André Kaspi : Les Juifs américains votent traditionnellement démocrate. Lors des élections présidentielles de 2012, deux tiers des Juifs américains avaient en effet voté pour Barack Obama et un peu plus d’un cinquième pour Mitt Romney. Aujourd’hui, d’après les sondages, la proportion de Juifs qui voteront pour Hillary Clinton devrait être à peu près la même qu’en 2012. On constate un léger effritement du côté républicain. Cela s’explique par le manque d’enthousiasme pour Donald Trump. Pour autant, il ne s’agit là que de sondages et non pas de certitudes.
A.J.: Les nombreuses déclarations de Donald Trump, positives à l’égard d’Israël auraient pourtant dû séduire l’électorat juif américain… A. K. : Même s’il existe une frange de la population juive qui place la relation des États-Unis avec Israël en critère numéro un, je ne pense pas que ce soit le cas de la majorité des électeurs juifs. Les Juifs américains sont américains d’abord, pro-israéliens ensuite. Ils sont évidemment soucieux de défendre l’existence de l’État d’Israël, mais ils sont américains avant tout. Dans cette campagne électorale, ils se préoccupent en priorité de l’emploi, de l’ouverture ou de la fermeture des frontières, des problèmes que pose l’immigration clandestine, du terrorisme.
Actualité Juive : Comment la communauté juive américaine perçoit-elle Hillary Clinton ? A. K. : Hillary Clinton a eu des images contrastées. Elle est infiniment moins populaire auprès des Juifs américains que son mari. Bill Clinton reste en effet le grand homme pour les Juifs américains comme pour les Israéliens d’ailleurs. Si Hillary Clinton est elle aussi proche d’Israël, les choses sont différentes. À la fin des années quatre-vingt-dix, elle avait ainsi défendu les femmes palestiniennes avant de faire marche arrière. Lorsqu’elle était sénatrice de l’État de New York, elle a aussi pris soin de ne pas froisser la communauté juive. Elle est donc favorable à Israël, sans aucun doute, au même titre que Trump. Ce qui fait la différence entre les deux candidats, ce n’est donc pas la sympathie vis-à-vis d’Israël mais l’idée que l’un et l’autre se font de l’accord avec l’Iran.   D’un côté, Hillary Clinton, comme Barack Obama, pense que ce n’est pas une mauvaise chose d’avoir conclu un accord avec les Iraniens. Elle espère que l’accord permettra d’assurer la sécurité d’Israël. Donald Trump est, en revanche, farouchement opposé à cet accord qu’il estime mauvais et considère qu’il faut s’en tenir à la position de Binyamin Netanyahou.
« La différence entre les deux candidats : leur idée sur l’accord avec l’Iran »
A.J.: Le soutien du mouvement « Black Lives Matter » à Hillary Clinton peut-il gêner les électeurs juifs américains qui votent démocrate ? A. K. : Non, parce qu’il existe depuis bien des années des liens entre la communauté noire et la communauté juive. Dans les années soixante déjà, des pasteurs noirs s’unissaient à la communauté juive pour défendre Israël et des Juifs s’unissaient à la communauté noire pour défendre les droits civiques. Il n’empêche que beaucoup de Noirs, surtout les musulmans noirs de Louis Farakhan, sont sensibles à l’antisémitisme et surtout à l’antisionisme. Ils estiment que les Juifs sont tout-puissants, très riches, qu’ils ne pensent qu’à défendre les intérêts de l’Etat d’Israël, qu’ils utilisent à leur profit la mémoire de la Shoah.  A.J.: Vous notiez un léger effritement du vote juif américain du côté républicain. Est-il uniquement dû à la personnalité de D. Trump ? A.K. : A sa personnalité ainsi qu’à ses déclarations. Les Juifs américains sont dans leur grande majorité d’anciens élèves des universités. Ils appartiennent à la classe moyenne ou supérieure. Ils jugent que Trump est rudimentaire dans ses appréciations, grossier dans ses affirmations, qu’il n’a pas les connaissances ni le caractère qui lui permettraient d’exercer les fonctions de président des États-Unis. Ses déclarations sur les immigrants peuvent aussi avoir heurté les Juifs, qui sont eux-mêmes les enfants ou les petits-enfants d’immigrants. Et puis, ils sont profondément libéraux, dans la mouvance d’Hillary Clinton et même parfois de Bernie Sanders, le seul candidat juif de la primaire démocrate et qui est plus pro-palestinien que pro-israélien. L’attitude du milliardaire juif américain Sheldon Adelson est en ce sens significative. Lui qui a pour habitude de financer généreusement les campagnes des candidats républicains a, cette fois-ci, donné beaucoup moins d’argent. Il ne semble en effet pas tout à fait convaincu que Trump puisse gagner et de fait, préfère soutenir des candidats au Sénat ou à la chambre des Représentants qui, eux, pourraient être élus et défendre le programme des   républicains.



08/11/2016
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