Musulmans et juifs marchant côte à côte, faisant cause commune sous la même bannière aux couleurs de la solidarité contre la brutalité policière croissante, désinhibée et sans limites, cette démonstration rare d’unité avait pour cadre New York, la mégapole où l’on ne dort jamais et où l’on cauchemarde depuis la série macabre de décès de jeunes américains qui avaient le tort d’être Noirs dans une Amérique où la discrimination fait toujours rage.
C’est en hommage posthume à Eric Garner, Michael Brown, Malcolm Ferguson, Tamir Rice, entre autres victimes dont les noms, égrenés lentement et avec dignité, sont passés tragiquement à la postérité, mais aussi contre la prime à l’impunité dont bénéficient les policiers qui ont leur mort sur la conscience que cette manifestation nocturne à la forte charge symbolique a eu lieu récemment, sous l’impulsion de trois organisations, dont l’association arabo-américaine de New York et l’organisation juive, Bend the Arc, chantre de la justice sociale. Un rassemblement qui a fédéré bien au-delà de ces deux communautés, puisque des citoyens indignés d’origine asiatique et hispanique sont venus gonfler les rangs, unis sous le même cri de ralliement.
Défilant dans Brooklyn, munis de la banderole sur laquelle figurait le slogan de la protestation populaire "les Juifs et Arabes le proclament : la vie des Noirs compte", ces Américains, qui représentent eux aussi les visages métissés de l’Amérique contemporaine et Obamanienne, ont cheminé calmement jusque sous les fenêtres du siège social du NYPD, le fleuron de l’institution policière US dont le blason a été irrémédiablement terni par l’espionnage intensif et anticonstitutionnel des musulmans de New York.
"Les groupes religieux se sont rapprochés pour délivrer un message fort de nature à provoquer un électrochoc, car ces drames nous concernent tous", a déclaré Aslan Rahman, un musulman de 23 ans, qui était en tête de cortège, pendant que retentissait le cri d’un manifestant : "Ensemble, nous célébrons le miracle de la résistance que nous ne laisserons pas mourir!".
"Juifs et Musulmans main dans la main, Arabes, Asiatiques, Latinos et Afro-Américains, nous sommes en train d’œuvrer à la construction d'une alliance qui va éclairer notre chemin et nous disons haut et fort : la vie des noirs compte", a clamé Cris Hilo, 29 ans, un Américain fier de ses racines arabes et fer de lance de l’association arabo-américaine de New York, dont le talent d’orateur a galvanisé les manifestants et profondément marqué les quelques conseillers municipaux venus battre le pavé avec eux.
La manifestation de grande ampleur de New York a fait tache d’huile dans d’autres cités phares, l’éveil des consciences à l’égard de la résurgence de la ségrégation, rappelant ses heures les plus sombres, étant en marche à travers tout le pays, de Boston à San Francisco.