En tant que francophone ayant grandi en écoutant les géants de la chanson à la radio israélienne, elle laissait entendre que d’importants auditoires francophones signifiaient que des chanteurs renommés comme Charles Aznavour, Enrico Macias, Jean-Jacques Goldman et Patrick Bruel se produiraient plus souvent en Terre sainte.

Mais comme beaucoup de sionistes passionnés, elle jugeait les olim français bien trop matérialistes pour jamais inonder le pays. Comparé à la France, prônait-elle, Israël ne pourrait jamais rivaliser avec son système de protection sociale.

Ma mère est décédée il y a plusieurs années mais j’ai eu la réaction de l’appeler le mois dernier de Paris, où je suis tombé sur un dépliant qui m’a suggéré qu’elle avait tout faux.

L’annonce présentait la première parisienne d’un one-woman show à propos de l’alyah de l’humoriste française Judith Mergui, qui s’est fait une renommée internationale depuis Israël, où elle s’est installée il y a sept ans.

Pour moi, cette tournée montrait la bifurcation du centre de gravité de la culture juive française, de la France vers Israël. « Tu vois, maman, » voulais-je lui dire, « maintenant les Juifs francophones de Paris affluent pour voir des spectacles de Juifs francophones venus d’Israël. »

Intitulé « Inch’alyah », le spectacle caricature les expériences de l’immigration de Mergui en Israël. Le nom est un mélange de l’arabe Inshallah, qui signifie « Dieu le veut », et le mot hébreu « alyah » pour immigration juive en Israël, ou littéralement ascension.

Malgré son nom, le show de Mergui ne traite pas des tensions qui existent en France entre Juifs et Musulmans sur le conflit israélo-arabe.

« Ce n’est pas un sujet qui se prête à la comédie. Surtout pas cette semaine », dit-elle en référence au viol et cambriolage dans une maison juive à Créteil, dont les auteurs auraient délibérément pris pour cibles des Juifs, qui ont choqué la communauté.

« C’est fondamentalement un spectacle comique sur des situations drôles que mon personnage a rencontrées en Israël dans son adaptation au nouveau pays, qu’elle a rejoint avec beaucoup d’idéaux et peu de préparation», déclare Mergui.

Une scène dépeint une rencontre entre le personnage de Mergui et Irina, une fonctionnaire d’origine russe à la mentalité de fonctionnaire soviétique parlant un hébreu pas bien meilleur que celui de sa cliente. « Un dialogue de sourds-muets en proie à un choc culturel s’ensuit », raconte Mergui.

La première de Mergui le 11 décembre à Paris, ajoute-t-elle dans un entretien téléphonique depuis la France, a fait salle comble devant un public composé de près de 350 personnes.

 

la question de l’émigration se pose dans les esprits de beaucoup de Juifs français

 

Le buzz de son spectacle est également intéressant du fait qu’il rappelle que la question de l’émigration se pose dans les esprits de beaucoup de Juifs français, poussés à partir par une combinaison toxique d’une hausse d’un antisémitisme de plus en plus violent d’Arabes et d’Africains, une économie stagnante et un soulèvement de l’extrême-droite.

Des milliers immigrent en Israël, où le phénomène laisse une empreinte statistique claire. Mais un nombre inconnu d’émigrés juifs français s’installent ailleurs, comme le découvre Mergui. La semaine dernière, elle a joué devant 200 Juifs francophones au nouveau centre communautaire JW3 de Londres.

 

« Nous sommes en train de planifier une tournée du spectacle dans les pays où les Juifs francophones vivent aujourd’hui », dit-elle. « Il n’y a pas de chiffres, donc nous verrons au fur et à mesure. »

 

Au cours des dix premiers mois de 2014, Israël a accueilli un nombre record de 5 701 immigrants venus de France – le double du nombre pour la période correspondante en 2013. La France est pour la première fois depuis des décennies le fournisseur d’olim n°1 en Israël , dépassant les États-Unis et même l’Ukraine déchirée par la guerre, avec ses 360 000 Juifs et une économie ruinée.La France est pour la première fois depuis des décennies le fournisseur d’olim n°1 en Israël

Le spectacle de Mergui n’est pas le seul joyau exporté par les francophones israéliens de retour vers la mère patrie.

Les concerts de Keren Ann, chanteuse de renommée internationale qui a émigré en Israël de France en 2006, se jouent généralement à guichets fermés dans les deux pays.

« Inch’alyah » s’est tenu au centre Rachi – un complexe sous haute surveillance, que beaucoup considèrent comme le centre névralgique de la communauté juive française, car il abrite le siège de nombreuses organisations et médias juifs.

« En fait, je me sens plus à l’aise de donner mon spectacle là-bas pour des raisons de sécurité », confie Mergui, en référence aux dispositions sécuritaires de l’Espace Rachi, avec ses doubles portes métalliques ; la présence permanente de la police et un service de sécurité interne.

« La vérité, c’est que je me sens plus en sécurité à la maison, en Israël. »