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LA SHOAH : UNE AUTTE MANIERE DE LA TRANSMETTRE

Source : Lacroix.com en ligne le lundi 12 mai 2014

 

 

 

Ivan Jablonka, historien et fils d’enfant-Shoah

Auteur de livres qui « infléchissent » les sciences humaines, ce jeune historien tutoie les sujets de ses recherches en assumant sa filiation de petit-fils de disparus à Auschwitz.

 


         Historien, chercheur, Ivan Jablonka est aussi auteur et a dirigé plusieurs publications collectiv...                        
Historien, chercheur, Ivan Jablonka est aussi auteur et a dirigé plusieurs publications collectiv...               

Hermance TRIAY/Opale

Historien, chercheur, Ivan Jablonka est aussi auteur et a dirigé plusieurs publications collectives. Dans la toute dernière, L’Enfant-Shoah, l’universitaire s’affirme comme « petit-fils de déportés, historien, Juif ».

 
                

Hermance TRIAY/Opale

Historien, chercheur, Ivan Jablonka est aussi auteur et a dirigé plusieurs publications collectives. Dans la toute dernière, L’Enfant-Shoah, l’universitaire s’affirme comme « petit-fils de déportés, historien, Juif ».


                                                                                                                 
 

Au quatrième étage des prestigieux locaux du Collège de France, rue d’Ulm, à Paris, Ivan Jablonka accueille à la sortie de l’ascenseur. Poignée de main solide, regard lumineux, sourire soucieux du bien-être de son visiteur, il exprime une évidente force que l’on qualifierait de gentille plutôt que de tranquille.

Ce chercheur a 40 ans… 40 ans seulement, serait-on tenté de dire, au vu des douze pages très denses de son CV, un « cursus et diplômes » qui présente un parcours universitaire exemplaire. Mais pas que cela. Car, si son poste de professeur en histoire contemporaine à l’université de Paris XIII (2013) et l’habilitation à diriger les recherches ont succédé, sans aucun accroc, à une thèse de doctorat remarquée (2004, avec les félicitations du jury à l’unanimité), à l’agrégation d’histoire (1997) et à l’admission à l’École normale supérieure (1994), Ivan Jablonka s’est aussi investi, âme et esprit, dans la fondation et la direction de collections de livres (« La république des idées », au Seuil ; « La vie des idées », aux Presses universitaires de France) et de sites Internet (www.laviedesidees.fr et www.booksandideas.net) à grande diffusion, tout en donnant des conférences dans les meilleures universités américaines (New York, Yale, Boston, Harvard et Stanford). 

Mais cela ne suffit pas encore, car le jeune historien est aussi l’auteur d’un livre bouleversant,  Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus  (Seuil, 2012), aussi littéraire que scientifique, qui succédait à déjà quatre autres ouvrages personnels et à la direction de trois publications collectives importantes.

« petit-fils de déportés, historien, Juif »

La toute dernière parmi celles-ci, récemment parue, impressionne ses lecteurs, y compris des gens de lettres parmi les plus expérimentés. Outre les contributions de grandes signatures de la psychologie, de la sociologie, de la littérature et de l’histoire, l’introduction et le dernier chapitre, écrits par Ivan Jablonka, font de  L’Enfant-Shoah  (PUF) un livre majeur dans la riche bibliothèque française des sciences humaines.

Poursuivant sa « méthode », telle que mise en œuvre dans Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, articulant ainsi mémoire et histoire, « millions de petites histoires » et « l’Histoire, avec un grand H », le jeune universitaire s’y affirme comme « petit-fils de déportés, historien, Juif ». 

De façon indissociable, il s’y montre « avec tous (s)es visages ». Car, aujourd’hui, l’écriture d’Ivan Jablonka manifeste une autorité qui lui permet tout à la fois de « dépouiller des kilomètres d’archives », de « travailler obsessionnellement à établir des faits » et de « s’autoriser à infléchir les règles de la méthode » académique.

« La tristesse et l’amertume étaient couvertes par le partage des solitudes »

En passant par « la case enfance », par exemple, pour situer son travail. « La première chose que j’ai comprise, dès le plus jeune âge, c’est que j’étais fils d’orphelin, et c’est ensuite – mais il a fallu plusieurs années – que j’ai compris que cela signifiait que j’étais petit-fils de déportés, jamais revenus d’Auschwitz », établit-il en préambule à toute discussion sur sa vocation d’historien.

« Mon père nous a toujours raconté sa vie d’enfant des foyers dans les années 1950, presque toujours avec humour, parfois avec un peu de tristesse. Il ne prononçait jamais le mot “orphelin”. Un jour, j’ai compris le sous-texte de ses récits, entre amertume et tragédie, qui signifiait : “J’ai grandi en collectivité, avec des copains, et notre identité était d’être orphelins” », précise-t-il.

 « La manière dont j’ai entendu parler de l’enfant-Shoah, c’était par des anecdotes, où la tristesse et l’amertume étaient couvertes par le partage des solitudes, des détresses, mais aussi des joies, des sentiments de solidarité… » 

Presque quarante ans plus tard, « l’enfant-Shoah », cet « individu dont l’enfance a été marquée par le génocide, de quelque manière que ce soit », est devenu sujet des sciences humaines. Sujet, pas objet !

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 Ivan Jablonka : « J’ai l’espoir que les enfants vont devenir sujets » 

Ivan Jablonka a travaillé, depuis sa maîtrise en 1996, sur les enfants. Enfants des colonies pénitentiaires du XIXe  siècle, enfants de l’Assistance publique, entre 1874 et 1930, « abandonnés de la République » (titre de sa thèse de doctorat soutenue en 2004), entre 1874 et 1939, enfants-Shoah…

Il est aussi père de trois filles, auxquelles il a dédié son livre majeur, Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus. « Dans l’histoire que j’étudie, affirme-t-il, l’enfant apparaît comme un objet déplaçable et que l’on n’entend pas quand il exprime une souffrance. Mais j’ai l’espoir que les enfants vont devenir sujets, au meilleur sens du terme. J’y travaille en tant que père et en tant que citoyen. Historiquement, la femme n’est plus un objet, mais le combat n’est pas encore gagné pour l’enfant. Il y a énormément de progrès à faire dans la protection de l’enfance. » 

 
 
 
Avec cet article


17/07/2014
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