POUR BERNARD DARMON, OBSERVATEUR DU PROCHE-ORIENT, POUR ISRAËL ET LES PALESTINIENS, UNE VOIE UNIQUE : LE DIALOGUE
Source : bernarddarmon.unblog.fr en ligne le le lundi 21 octobre 2015
JUIFS ET ARABES,
PAS D’AUTRES CHOIX
QUE DE S’ASSOIRE
AUTOUR D’UNE TABLE
Les derniers événements en Israël sont l’occasion pour chaque camp d’accuser l’autre des pires exactions. L’ennemi est défini comme porteur d’une idéologie de haine, et à son paroxysme, l’amalgame et le rejet de tous les autres du camp adverse.
Dans les faits, voilà cent ans que les idéologues et leaders des deux camps ont mis en place un récit au service de leur propagande respective.
D’un côté le récit Sioniste évoquant une Terre sans peuple pour un peuple sans terre.
Du côté arabe, la négation du lien existentiel et fondamental existant entre les Juifs et la Palestine.
De chaque côté des masses hypnotisées par ces récits oniriques qui sont à la base des mythes fondateurs de ce conflit.
Voilà bientôt 100 ans que de part et d’autres les leaders utilisent les faits et gestes des plus extrémistes qui sont minoritaires pour définir la politique générale de leur camp.
Côté arabe, un besoin de s’approprier le récit biblique.
Le conflit Israélo-arabe a démarré au mois d’avril 1920, soit 28 ans avant la création de l’Etat d’Israël, lors des émeutes qui intervinrent à Jérusalem contre les juifs, alors que la Palestine était sous administration britannique, à l’occasion de la procession « Nabbi Moussa » « le prophète Moïse ».
C’est à cette date, et pour la première fois de notre époque moderne que les arabes de Palestine s’en sont pris aux juifs palestiniens qui vivaient en Palestine bien avant eux, et qui, même s’ils étaient largement minoritaires sur la totalité Palestine, étaient déjà majoritaires à Jérusalem.
La fête de Nabi Moussa qui n’existe pas dans l’Islam fut inventée par les arabes de Palestine au Moyen-Age pour concurrencer les pèlerinages chrétiens qui se déroulaient à Pâques à Jérusalem et qui regroupaient des milliers de pèlerins chrétiens venus là pour célébrer la mort du Christ.
Le nom :
« Nabbi Moussa » évoque Moïse, le plus grand prophète du Judaïsme, celui qui fit sortir les enfants d’Israël d’Egypte, celui qui reçut la Thora au Mont Sinaï et la donna aux hébreux. Il est nommé le législateur des juifs car c’est lui qui serait à l’origine de tout le codex des Lois écrites et orales. C’est lui qui confia le pouvoir à Josué pour conquérir la Palestine afin que les enfants d’Israël s’y installent comme l’avais promis Dieu. Son lien avec cette Terre est évident et c’est à dessein que les arabes l’ont utilisé pour s’inscrire dans l’héritage du prophète.
Le nom Moussa (Moïse) est inscrit 136 fois dans le Coran et il est appelé « l’interlocuteur de Dieu ».
Le jour :
Le moment choisi pour la célébration de ce pèlerinage n’est pas fixé par le calendrier musulman mais par le calendrier Julien. C’est le vendredi précédent le vendredi saint du calendrier orthodoxe et coïncide souvent avec la Pâques juive au début du printemps.
A cette date depuis 3000 ans les Juifs commémorent la sortie d’Egypte, la fin de l’esclavage, la marche vers la Liberté avec l’entrée en Terre Promise (Palestine).
Pendant les 2000 dernières années les prières de Pâques se clôturent par la célèbre invocation du retour sur le Lieu où le Temple Juif fut bâti par le Roi Salomon: « L’an prochain à Jérusalem ».
L’Endroit:
Selon la Bible, Moïse n’a pas de sépulture et n’est pas rentré en Terre d’Israël. Les arabes pensent eux que la tombe de Moïse serait dans le désert à proximité de Jéricho.
A cette époque du Moyen-Age où les juifs ne représentaient aucune menace contrairement aux chrétiens, les arabes qui étaient conscients de l’importance de Jérusalem qui fut le théâtre du calvaire, de la crucifixion et la résurrection de Jésus décidèrent de faire partir cette procession du même endroit que les chrétiens qui pèlerinaient à Pâques, en passant par la via dolorosa, puis en direction de Jéricho.
Il est parfaitement évident qu’en créant cette célébration, les arabes de Palestine ont voulu s’approprier la descendance et l’Héritage de Moïse. Face aux chrétiens, ils n’avaient aucune crainte.
Mais en 1920, à la suite du double jeu des anglais et constatant le retour de milliers de Juifs, ils ont identifié le danger existentiel que représentait cet afflux des enfants d’Israël qui de l’aveu même du Coran sont les propriétaires désignés par Dieu de cette Palestine qu’ils occupaient.
Cette procession fut le moment choisi par les autorités arabes religieuses et civiles de Jérusalem pour haranguer la foule en faisant courir le bruit que les Juifs revenaient en Palestine pour détruire les mosquées et reconstruire le Temple déclenchant ainsi la haine des arabes qui égorgèrent une dizaine des juifs de Jérusalem et en blessèrent plus de 250 autres.
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89meutes_de_J%C3%A9rusalem_de_1920
http://books.openedition.org/ifpo/1193?lang=fr
Côté arabe l’opposition au sionisme fut dès le départ instrumentalisée par le récit religieux, pour la simple raison que la vie des arabes en Palestine était organisée en tribus et que le principal ciment de cette paysannerie était la religion.
Côté Juif, une négation de la réalité:
Les juifs qui vivaient en Palestine jusqu’au XIXème siècle principalement à Jérusalem, Hébron, Tibériade et Safed, étaient pour l’immense majorité des Juifs pieux, parlant arabe, s’habillant comme les arabes et parfaitement intégrés dans ce Proche-Orient. Pas loin de la Palestine, au Liban, en Syrie et en Egypte vivaient des dizaines de milliers de juifs de la même manière.
Les sionistes étaient laïcs et socialistes pour la plupart. En provenance de Russie et d’Europe de l’Est, ils ont immigré là pour fonder un foyer national qui accueillerait les Juifs victimes de l’antisémitisme chrétien en Europe, ils parlaient Yiddish et s’habillaient à l’européenne.
Aucun des penseurs sionistes n’était religieux, ni Hertzl, ni Pinsker, ni Berl Katznelson, ni Weizman, ni Ben Gourion, ni Jabotinsky, ni même Begin avant la création de l’Etat d’Israël. Seul à contrecourant du monde orthodoxe le Rav Isaac Kook qui immigra de Lettonie en Palestine ottomane en 1904 fonda le courant sioniste religieux.
Sur des terres achetées à des propriétaires syriens ou turcs qu’ils récupéraient vides de présence humaine, Ils envisageaient une société socialiste idéale, à mille lieux de ce qui se faisait dans cette région.
C’est ainsi que le récit national juif sioniste fait totalement abstraction des habitants de cette terre qui étaient à 80% arabes musulmans, 15% arabes chrétiens et 5% arabes juifs.
La plupart des juifs en occident comme les israéliens nés après 1948 pensaient comme la légende le racontait que cette terre était déserte avant l’arrivée des juifs sionistes.
La légende racontait aussi que les arabes s’étaient enfuis en 1948 à la demande des pays arabes, faisant abstraction de la guérilla et de la terreur qui sévissait dans les deux camps.
C’est à partir de 1980 et l’ouverture des archives britanniques et israéliennes que des historiens israéliens ont mis à jour les erreurs et mensonges de l’historiographie sioniste officielle.
L’idéologie sioniste étant ainsi fragilisée il a fallu trouver une solution idéologique, et à la suite de la découverte du déni d’existence des arabes de Palestine, s’en est suivie en Israël une montée de la légitimité religieuse juive sur cette terre.
Rappelons que jusqu’en 1948, près de 90% du monde juif orthodoxe est antisioniste. Pour eux, le renouveau national juif doit intervenir concomitamment au dévoilement du Messie.
Mais à partir de 1967 et la libération de la vieille ville de Jérusalem dont les juifs avaient été chassés en 1948, beaucoup de juifs orthodoxes pensèrent que le sionisme relevait finalement du projet divin de retour de ses fils (enfants d’Israël) sur cette Terre.
La fameuse promesse se réalisait : « l’An prochain à Jérusalem ».
Aujourd’hui 90% des juifs religieux sont en faveur de l’Etat d’Israël, même s’ils ne le reconnaissent pas comme un Etat Juif puisque non régi par la Thora.
Mais cet Etat est selon eux l’étape indispensable à l’avènement du Messie.
Même si 750.000 arabes sont partis de Palestine en 1948 et se sont réfugiés pour beaucoup en Cisjordanie, à Gaza, au Liban ou en Jordanie, d’autres nombreux sont restés dans les frontières de l’Etat d’Israël du 4 juin 1967.
Depuis 1967, la Cisjordanie que les juifs appellent la Judée et la Samarie en référence à la Bible, est sous administration militaire israélienne.
Les habitants de cette zone ne sont pas devenus israéliens et ne sont plus jordaniens.
Beaucoup, hier comme aujourd’hui voulaient simplement vivre en Paix, faire vivre leur famille, éduquer leurs enfants dignement. Pourquoi pas devenir des israéliens arabes comme leurs frères de Jaffa, Haïfa ou Nazareth.
Mais le recensement ne le permettait pas, puisque si les arabes de Cisjordanie et Gaza étaient devenus israéliens, les juifs seraient devenus minoritaires.
Les arabes n’ont donc pas été exterminés comme l’assènent quelques Goebbels en goguette, mais sont restés là dans une situation inconcevable.
La situation aujourd’hui:
De déni en déni, de mensonges en légendes, il ne fallait pas être devin pour prévoir que la situation ne ferait qu’empirer.
Après deux intifada, plusieurs guerres, des centaines d’attentats, la construction d’un mur, de routes dédiées, de bus dédiés, et des dizaines de milliers de morts et blessés de chaque côté, voilà que des gosses munis de couteaux décident de se suicider en poignardant des juifs. Ils ne rêvent même plus d’un Etat Palestinien, ils veulent juste en découdre avec le Juif qui est à leurs yeux le maître et eux l’esclave.
Ces gosses sont israéliens pour la plupart. Ils vivaient dans des quartiers de Jérusalem, des villes de Galilée ou du Néguev. Ils s’attaquent à des passants dans les rues dans tout Israël de Jérusalem à Rhanana, en passant par Tel Aviv et Béer Cheva.
Les israéliens juifs sont terrorisés. Quand ils sortent de chez eux, le danger est partout, simplement parce que les arabes sont partout dans la société israélienne. Ils sont médecins et infirmiers dans les hôpitaux, professeurs ou personnel de maintenance dans les écoles lycées et universités, ils travaillent dans les travaux publics, comme conducteurs de bus ou de taxis, etc.
De toutes parts, on met en exergue les discours d’extrémistes pour attiser la haine.
On réclame ici plus de force, plus de murs, plus de check points et ailleurs on veut plus d’assassinats, plus de sang, plus de terreur.
Alors que Mahmoud Abbas et d’autres dirigeants arabes demandent que l’UNESCO reconnaisse le mur des lamentations comme un lieu saint de l’Islam continuant ainsi dans le déni du lien entre les juifs et la Palestine, Benjamin Netanyahou n’impute plus la responsabilité de la Shoah à Hitler, mais au muphti de Jérusalem: L’instrumentalisation et la manipulation de la Shoah comme ultime argument.
En continuant ainsi la situation peut dégénérer rapidement en guerre civile religieuse, les juifs contre les musulmans.
Un carnage, un bain de sang qui coulerait à flots jusque dans les banlieues de Paris et Londres !
Et pourtant, malgré ces presque cent ans de guerre, une large majorité d’arabes demeure à l’écart de toute manifestation anti-israélienne, et seuls quelques juifs débiles ont répondu au meurtre par le meurtre. C’est la preuve que tout reste possible, et les initiatives devraient venir de la société civile.
Dans le nord d’Israël des centaines de personnes ont formé une chaine de solidarité entre juifs et arabes.
Un restaurateur indépendant fait des prix remisés aux juifs et arabes qui mangent à la même table.
Une majorité des arabes et des juifs qui vivent sur cette terre veulent vivre en Paix dans la dignité.
Ce sont eux qui doivent manifester pour obliger leurs leaders respectifs à regarder la réalité en face.
L’actualité nous fait un clin d’œil, et démontre que même dans la mort juifs et arabes ont un destin commun.
Maintenant, plus que jamais et peut-être pour la dernière fois avant la catastrophe, Il faut s’assoir et discuter sans discontinuer jusqu’à la conclusion d’un accord, il n’y a pas le choix.
Bernard Darmon
« Les gens évitent de prendre des décisions par crainte de commettre des erreurs. En réalité, l’incapacité à prendre des décisions est l’une des pires erreurs de la vie. » Rabbin Noah Weinberg.
Rabbi Chimôn, fils de Gamliel, disait : « par trois choses le monde subsiste : le jugement, la vérité et la concorde, ainsi qu’il est dit : ‘‘C’est avec vérité, justice et paix que vous jugerez à vos portes’’.
[Un jour, Rabbi Yohanan] dit à ses disciples : « Sortez et allez vous enquérir du droit chemin auquel l’homme doit s’attacher. » Rabbi Eliêzer en conclut : « avoir un œil (regard) bienveillant. » Rabbi Yehochouâ : « se faire un bon compagnon. » Rabbi Yossé : « se faire un bon voisin. » Rabbi Chimôn : « prévoir ce qui adviendra. » Rabbi Élâzar : « avoir bon cœur. » « Je préfère l’opinion d’Elâzar fils d’Arakh, répliqua le maître, car les vôtres sont contenues dans la sienne. »
Il disait : « (À présent,) sortez et allez vous enquérir du mauvais chemin duquel l’homme doit se détourner. » Rabbi Eliêzer répondit : « avoir un œil (regard) malveillant. » Rabbi Yehochouâ : « se faire un mauvais compagnon. » Rabbi Yossé : « se faire un mauvais voisin. » Rabbi Chimôn : « emprunter et ne pas rembourser, car emprunter à l’homme, c’est emprunter à Dieu, ainsi qu’il est écrit : ‘‘L’inique emprunte et ne paye pas, mais le juste est gratifiant et donne avec générosité’’ » (Psaumes 37,21). Rabbi Elâzar dit : « avoir un mauvais cœur. » « Je préfère l’opinion d’Elâzar fils d’Arakh, répliqua le maître, car les vôtres sont contenues dans la sienne. »
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